De la nature humaine

Présentation

La question de la nature humaine se trouve à l’ordre du jour des débats philosophiques. Elle passait naguère pour en avoir été rayée par les philosophies de l’histoire et, plus encore, par le dit matérialisme historique qui en dénoncait l’imposture éternitaire. La sociobiologie combinant les leçons de l’éthologie, de l’écologie et de la génétique a cru pouvoir en thématiser positivement l’objet en lui conférant un contenu essentiellement biologique centré sur la notion de comportement. De là que les biotechnologies présentent aujourd’hui cette nature comme modifiable. Pourquoi voit-on le plus souvent cette modification comme une menace? Le thème de la « post-humanité » n’est-il susceptible que d’une interprétation catastrophiste? Quelle conception faut-il se composer de la technique pour qu’elle se voie imputer la catastrophe annoncée? On, à rebours, la rédemption espérée par quelques-uns? D’où provient enfin ce vocabulaire de tonalité religieuse?
Les dilemmes qui structurent les débats bioéthiques contenporains s’éclairent peut-êter de ce que la notion moderne de nature humaine, forgée par les théories du contrat social, n’est pas susceptible d’une interprétation positive, biologique, sans que soit enterrée du même coup la question politique à laquelle elle avait pour fonction de répondre et qui visait précisement à dégager la pensée politique du carcan théologico-politique. Ne convient-il pas de réveiller cette question et ses présupposés pour éviter que, selon le mot d’un généticien contemporain, les biotechnologies ne menacent effectivement la démocratie?

L’Auteur

Dominique Lecourt est Professeur à l’Université Paris VII-Denis Diderot.